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Pourquoi nous nous impliquons

La jeunesse se met en grève pour le climat et les chercheurs soutiennent leur cause. Reto Knutti, professeur de physique du climat à l'EPFZ, évoque un tournant inattendu dans le débat sur le changement climatique et le rôle de la science dans la société.


Les scientifiques ont publié l'un après l'autre un rapport sur le climat, et les politiciens discutent sans cesse des actions à entreprendre, mais très peu de choses se sont réellement passées. Jusqu'à récemment, quand l'étudiante suédoise Greta Thunberg a appelé à une grève internationale pour la protection du climat. À l'heure actuelle, plus de 12 000 scientifiques ont signé un appel à l'action préparé conjointement par des chercheurs en climatologie d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse. Alors, pourquoi la communauté a-t-elle décidé de s'impliquer ?


Le changement climatique est réel et est principalement causé par les humains. Il a déjà des effets majeurs, dont beaucoup sont irréversibles. Dans un monde parfait, la science fournit la base factuelle et la société décide ensuite des actions à prendre. La réalité semble toutefois très différente.

D'une part, les réseaux très influents génèrent des «faits alternatifs» pour semer le doute et influencer les décideurs et la société. Deuxièmement, les décision ne sont pas prises uniquement sur la base des faits.

Ce que nous devons faire dépend de la valeur que nous accordons au monde que nous allons laisser à nos enfants et petits-enfants. Si notre objectif premier est simplement de maximiser les profits au cours des prochaines années, le climat et la biodiversité importent peu. Ce n'est toutefois pas le cas si nous voulons garantir nos moyens de subsistance à long terme. Les objectifs de développement durable acceptés au niveau international sont également des principes fondamentaux ancrés dans la Constitution fédérale suisse. Laisser tout cela aux autres n’est pas une option non plus, comme le stipule le principe de «responsabilités communes mais différenciées» de la Convention-cadre des Nations Unies.

En d'autres termes, il n'y a presque pas de décisions purement factuelles. Le contexte, les options et une discussion sur les priorités sont nécessaires. Cela est particulièrement vrai pour les «problèmes épineux» tels que le changement climatique, les migrations ou la justice sociale, où tous les facteurs sont à la fois cause et effet et où il existe de nombreux acteurs et intérêts concurrents.


Ceux qui soutiennent que rien ne peut être prouvé ou décidé dans de tels cas se trompent. La Suisse et d'autres pays ont décidé d'agir afin de prévenir un changement climatique dangereux. La définition de «dangereux» n’avait pas encore été définie en 1992, mais l’Accord de Paris fixait un objectif politique clair : maintenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C tout en visant un objectif de 1,5 ° C.

Mais nous ne sommes pas sur la bonne voie, c'est pourquoi des mesures ambitieuses doivent être prises. Même dans les domaines où la certitude scientifique est moindre, la convention-cadre des Nations Unies recommande de ne pas différer les mesures préventives.

En tant que chercheurs, nous devons signaler que les faits sont déformés, que la science est instrumentalisée ou que les actions sont inadéquates.

Les mesures exactes à prendre font l’objet du processus de négociation politique que la science ne peut ni ne doit dicter. En tant que chercheurs, nous devons toutefois signaler que des faits sont déformés, que la science est instrumentalisée ou que les actions sont inadéquates. Ici, il est essentiel que la communauté scientifique rappelle les faits et souligne qu'il est urgent d'agir si nous voulons atteindre les objectifs fixés dans l'Accord de Paris.


De plus grands efforts sont en effet nécessaires. C’est précisément la demande des scientifiques. Nous y confirmons que d’un point de vue scientifique, les jeunes qui s’attaquent au changement climatique ont des préoccupations légitimes. Dans les universités, nous ne développons pas seulement des solutions, nous éduquons également les jeunes à penser de manière critique au monde. Nous n'approuvons pas la grève en tant que telle, mais nous soutenons les étudiants dans leur détermination à participer au débat politique, à assumer leurs responsabilités et à trouver ensemble des moyens constructifs pour façonner l'avenir de la Suisse et du monde pour les générations à venir.

Le dévouement et l’engagement de ces jeunes sont une exhortation à agir. En tant que citoyen et scientifique, je crois que ces jeunes grévistes du climat devraient être pris au sérieux. Il est temps de changer la façon de penser de la société. La jeunesse prépare la voie du changement.

Prof. Reto Knutti

Source : EPFZ