Les retraités reprennent du service
Revue de presse : L'express, 10 novembre 2025
De plus en plus de retraités effectuent des missions ponctuelles pour le compte
d’EDF. L’objectif ? Transmettre des connaissances.
Rien ne prédestinait Jean-Marc Miraucourt à reprendre du service. A 70 ans, après 43
années de bons et loyaux services chez EDF, cet ancien directeur de l’ingénierie du
parc nucléaireaurait pu consacrer entièrement sa retraite à voyager ou passer du bon
temps avec ses petits enfants. Mais c'était sans compter sur sa passion pour l'atome et
les besoins d'une industrie en pleine renaissance. Désormais, au moins une fois par an,
ce senior au CV bien rempli livre son expertise et transmet son savoir aux nouvelles
générations, à la demande d’EDF. Il compte déjà six missions à son actif. Et ne prévoit
pas de s’arrêter en si bon chemin.
Un exemple parmi des milliers d’autres. "Dans le nucléaire, le recours aux sachants
prend de l’ampleur", confirme Caroline Young, présidente d’Experconnect, une société
qui met en contact les anciens et les entreprises qui en ont besoin. La faute au choc
démographique. "Entre 2015 et 2020, les départs en retraite ont été extrêmement
nombreux, témoigne Christian Chapus, ancien directeur de communication de la
centrale de Fessenheim, devenu lui aussi adepte de missions ponctuelles pour son
ancien employeur. Faute de perspectives claires - nous étions avant le discours de
Belfort - la filière a sans doute trop tardé à se pencher sur le problème. “Au début des
années 2000, Areva souffrait d’un mal similaire, ce qui avait donné lieu, sous l’impulsion
d’Anne Lauvergeon à la première politique de collaboration post-retraite”, se souvient
Caroline Young.
Cette fois-ci, le mal semble encore plus sérieux. Non seulement les besoins en
recrutements sont énormes - 100 000 personnes en équivalent temps plein d’ici à 2035 -
mais les départs en retraite restent bien plus nombreux que les entrées sur le marché du
travail. Premier effet collatéral, trouver des spécialistes en robinetterie nucléaire devient
extrêmement compliqué. Les retraités gagnent eux aussi en attractivité, surtout s’ils
viennent à peine de raccrocher et qu’ils ont de l’expérience à revendre. "Durant toutes
les opérations qui se déroulent pendant les arrêts de tranche, nous en avons qui
interviennent", assure Caroline Young. Et pour faire face aux besoins futurs,
Experconnect ne cesse d’étoffer son vivier de spécialistes. Des experts capables de
regarder avec un œil critique l'empilement des normes, ou même de diriger des projets.
Ces seniors n’ont pas vocation à remplacer des salariés. “Nous intervenons uniquement
sur des sujets légitimes, confirme Jean-Marc Miraucourt. Par exemple, en partageant
des informations clés sur la vie des centrales. "Admettons qu’une barre de combustible
soit tombée en dessous de la cuve d’un réacteur il y a plusieurs décennies. Faut-il la
récupérer ? Les nouvelles équipes doivent pouvoir évaluer la situation et connaître la
raison de toutes les modifications effectuées au sein d’un réacteur au fil du temps",
confie un expert du nucléaire. "L’avantage d’un senior, c’est qu’il peut rendre des avis
pertinents détachés du management en place", complète Jean-Marc Miraucourt. "Nos
interventions permettent aussi aux jeunes - essentiellement formés au numérique - de
mieux appréhender la dimension physique de leur métier", précise Christian Chapus.
De 500 à 1500 euros par jour
Le retraité démarrera bientôt une mission destinée à "mettre du liant" sur le chantier d’un
EPR2. Un domaine dans lequel EDF doit encore démontrer son efficacité après le fiasco
de Flamanville 3. Pour rappel, l’installation devait être terminée en cinq ans pour un coût
de 3,3 milliards d’euros. Or le chantier s’est finalement étiré sur près de dix-sept ans,
pour une facture estimée à 19,1 milliards d’euros. Les anciens auront sans doute
beaucoup à dire pour éviter une nouvelle déconvenue.
C’est sans doute la raison pour laquelle ils sont aussi bien choyés. "Pour leurs missions,
nos seniors touchent entre 500 et 1500 euros par jour. Grâce aux outils numériques, ils
ont aussi la possibilité de travailler essentiellement à distance", précise Caroline Young.
EDF garde aussi un contact régulier avec ses anciens employés en organisant pour eux
des réunions d’information. Une façon d’entretenir la flamme tout en restant à la page.
"Ces gens ont dédié leur vie à cette filière. Ils possèdent une conscience aiguë de la
souveraineté nationale. Nous n’avons aucun mal à les motiver. Cependant, il va falloir
massivement faire appel à des jeunes. Et vite. Car même si les retraités peuvent
travailler plusieurs années, ce n’est pas une ressource sur laquelle on reconstruit tout le
parc", prévient la présidente d’Experconnect. "Nous n’avons pas la prétention de
combler tous les besoins", confirme l’un d’entre eux. Papy veut bien faire de la
résistance. Mais pas éternellement.
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JOURNALISTE : Sébastien Julian
10 novembre 2025
Experconnext : Entreprise leader de la collaboration post-retraite depuis 20 ans, fondé par Gilles Effront (Président de l'AFLZ) et Caroline Young