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Revue de presse

Les Echos

Interview de Laurent Burelle

 

Plastic omnium a publié un chiffre d’affaires trimestriel traduisant sa capacité à traverser la crise actuelle mais les prochains mois seront difficiles

Comment se porte Plastic Omnium aujourd’hui, la crise actuelle vous paraît-elle plus sévère que celle de 2008-2009 ?

Laurent Burelle. J’observe avec un grand plaisir que la nouvelle gouvernance mise en place en début d’année avec Laurent Favre au poste de directeur général, Félicie Burelle, directrice générale déléguée, et moi-même, président du groupe, démontre son efficacité opérationnelle dans la crise actuelle. Celle-ci est probablement plus dure et dangereuse que celle que nous avons affrontée il y a douze ans. A l’époque, il s’agissait d’une crise financière qui s’était transformée en crise industrielle mondiale, mais en douze mois, dès la fin 2009, le marché automobile, pour prendre la donnée qui concerne directement Plastic Omnium, avait déjà rebondi et cela avait permis aux acteurs les plus performants, dont Plastic Omnium, de repartir sur une base assainie.

Aujourd’hui, les incertitudes sont bien plus nombreuses. Tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé, nous risquons de vivre à un rythme de « stop and go »économique dans les différentes régions en fonction de l’évolution de la crise sanitaire. Mais Plastic Omnium est fort et dispose de solides moyens financiers. La crise est intervenue à une période où nous étions dans une phase ascendante et non dans un moment de faiblesse.

Comment voyez-vous l’évolution du marché automobile en 2020 et en 2021 ?

Laurent Favre. Au premier trimestre, la production automobile mondiale a chuté de 24% et de 49% en Chine, la première région où la crise s’est fait sentir. Dans les autres zones, Europe, Etats-Unis, Amérique latine, Inde…, l’impact n’est fort que depuis la mi-mars. Nous prévoyons donc une chute beaucoup plus nette au deuxième trimestre, de l’ordre de 45%. Cela donnerait un très fort recul de 35% sur le semestre. Nous tablons sur une reprise progressive sur la seconde moitié de l’année.

Ce qui se passe en Chine montre que la relance de la chaîne logistique et le redémarrage de la demande prennent du temps. Nous anticipons un second semestre en recul de 15% par rapport à 2019 et, au total, une année à –25%. Ce sont des chiffres plus prudents que ceux des différents instituts spécialisés du secteur.

Cela signifie que 65 millions de véhicules seraient produits dans le monde cette année, soit 21 millions de moins que l’an dernier et même 27 millions de moins qu’au pic du marché en 2017. Pour 2021, nous nous voulons prudents et réalistes avec l’estimation d’une production mondiale d’environ 70 millions de véhicules.

La crise ne risque-t-elle pas de ralentir la mutation du secteur automobile qui s’était dessinée ces dernières années ?

L. F. Je ne le pense pas. La mutation vers une mobilité propre et connectée est une tendance de fond. Elle pourrait même s’accélérer. Elle est poussée par la réglementation mais aussi par une demande de la société

Le chiffre d’affaires trimestriel, que vous venez de publier, montre une très forte résistance de l’activité de Plastic Omnium alors que la production automobile a plongé. A quoi l’attribuez-vous ?

L. F. La surperformance de plus de 20 points par rapport au marché -nos facturations consolidées n’ont baissé que de 2,7% quand la production automobile a chuté de 24,4%- traduit la robustesse de notre carnet de commandes et le succès de notre stratégie d’augmentation du contenu fourni, du chiffre d’affaires réalisé, par véhicules.

Nous avons fait mieux que le marché dans toutes les régions et dans nos trois métiers. Nous avons aussi bénéficié de l’ouverture de nouvelles usines en 2019. Par ailleurs, notre exposition à la Chine reste assez modérée : 4% au niveau des ventes consolidées et 9% si l’on intègre les joint-ventures que nous avons dans ce pays.

Quels sont vos objectifs pour l’ensemble de l’année ?

L. F. Nous avions indiqué en début d’année, avant que la crise ne se manifeste, que nous voulions enregistrer une croissance supérieure de 5% à celle du marché. Le premier trimestre nous conforte dans notre ambition de surperformer le marché même si nous ne voulons pas communiquer d’objectif précis compte tenu de l’incertitude actuelle.

Quelles mesures avez-vous prises pour protéger l’entreprise sur deux points essentiels en période de crise : la rentabilité et la trésorerie ?

L. F. Avant même le déclenchement de la pandémie, Plastic Omnium anticipait un recul de la production automobile mondiale de 5% en 2020. Nous avions donc déjà lancé un plan d’économies important. Quand la crise est arrivée en Chine, nous avons compris qu’il y avait un risque systémique. Nous avons donc pris des décisions supplémentaires dès la mi-février. Nous avons rapidement arrêté les usines, suspendu le recours aux intérimaires, qui représentent 20% des effectifs de production, et mis en place des mesures de flexibilisation de la masse salariale. Aujourd’hui, plus de 90% des salariés en Europe sont au chômage technique dans les activités de production mais aussi dans les laboratoires de R&D et dans les services administratifs. Les 305 cadres dirigeants ont accepté une baisse de salaire temporaire. Nous avons suspendu tous les projets et dépenses non essentiels. Les investissements vont baisser de plus de 30 %, mais nous ne touchons pas à l’innovation.

Sur le plan de la trésorerie, nous avons aujourd’hui 1,3 milliard de liquidités immédiatement disponibles et 1,3 milliard de lignes de crédit non tirées, d’une maturité moyenne de cinq ans. Nous avons fait des stress tests avec un arrêt total de la production automobile mondiale qui montrent que nous pourrions tenir plusieurs années… Nous sommes donc très sereins sur ce sujet.

Vous avez évoqué la R&D, vous n’avez levé le pied sur aucun projet ?

L. F. Non. Nous croyons plus que jamais à la transition vers une mobilité propre et connectée. Nous avons donc tendance à accélérer l’innovation, en particulier sur l’hydrogène où nous sommes parmi les leaders dans les réservoirs et où nous avons l’ambition d’être également numéro un sur le système complet de propulsion. C’est par l’innovation que nous pourrons augmenter le contenu par véhicule.

Pourriez-vous saisir des occasions de croissance externe ?

L. F. Le marché était déjà surcapacitaire avant l’épidémie. Les conséquences de la crise sur les volumes de production ne peuvent qu’accélérer la consolidation au niveau des équipementiers et des constructeurs. Ces derniers vont sans doute aussi revoir leur stratégie pour déterminer ce qu’ils font en interne et ce qu’ils achètent à des fournisseurs comme nous. Notre structure financière est saine et nous sommes leaders sur nos trois métiers. Notre ambition est de nous renforcer par croissance externe et nous y travaillons.

L. B. L’année 2020 sera mauvaise pour tout le secteur, mais ce qui est essentiel c’est le différentiel, savoir qui souffrira moins que les autres. Et je pense que Plastic Omnium sera parmi ceux qui ressortiront de la crise renforcés, de façon relative.

Monsieur Burelle, vous êtes aussi président de l’Afep, l’association qui regroupe les 100 plus grandes entreprises privées françaises. Il y a trois semaines, vous avez préconisé une diminution de 20 % des dividendes. Estimez-vous avoir été entendu ?

L. B. Sur la base des chiffres déjà communiqués, les dividendes versés en 2020 devraient baisser de 21 milliards, soit une diminution de 37% par rapport à l’année précédente. Après les votes des assemblées qui ont été, en nombre, reportées à la fin juin, nous pensons que la baisse sera de 25 milliards, soit –40%. Cette forte réduction des dividendes est liée aux pressions des régulateurs européens pour les secteurs de la banque et de l’assurance mais aussi aux décisions des entreprises qui ont eu un comportement exemplaire, j’en suis très fier. Les mandataires sociaux ont aussi décidé de baisser leurs rémunérations de 20% à 25%. La France aura besoin des grandes sociétés pour aider à relancer les investissements et la consommation. Elles répondront présent.

Propos recueillis par Rémi Le Bailly

sources : Les Echos